« Au premier coup je serais partie » , « comment font elles pour rester et subir des violences autant d’années ? »…
On entend souvent ces phrases malheureuses de personnes ignorantes qui parlent mais ne connaissent pas l’emprise…
J’ai 39 ans ,j’ai été sous emprise dans une relation pendant 17 ans avec le père de mes 3 enfants . Mon dernier est au ciel depuis 4 ans et a vécu 3 mois et demi dans mon ventre.
A cause des violences répétées mes souvenirs sont parfois flous mais je vais vous partager une petite partie de ce que j’ai gardé en mémoire… Je le fais pour mes enfants, en particulier celui que je ne peux pas enlacer aujourd’hui mais qui veille sur nous, pour moi , et pour les victimes silencieuses qui connaissent ou ont connu l’horreur des violences conjugales…
J’ai rencontré le père de mes enfants à 18 ans. Je n’avais aucune expérience, des fragilités affectives installées durant mon enfance et une vision assez naïve des garçons.
L’emprise a donc été facile à mettre en place.
Au départ il me donne l’illusion d’être le compagnon idéal et suscite même l’admiration de certains.
L’installation des violences a été subtile et progressive au fil des ans. Les signes d’alerte sont noyés dans une attitude totalement opposée. Le double visage et le discours incohérent me déstabilisent. La manipulation et le chantage affectif me poussent petit à petit à culpabiliser et à douter de mes reproches légitimes. Je n’arrive plus à distinguer la vérité, le bien du mal. Je m’accroche aux fausses excuses et promesses , j’abaisse mes limites et j’accepte l’inacceptable.
L’emprise s’installe, les mécanismes de manipulations s’ancrent et les violences s’accentuent surtout après la naissance de mon deuxième enfant. Tous les types de violence s’exercent : verbale, psychologique, sexuelle et physique.
Progressivement je n’existe plus pour moi mais pour lui , je m’isole et n’ose pas en parler.
Les mensonges et infidélités se succèdent entrainant humiliations diverses, cris, insultes et violence physique quand je tente de protester.
Il utilise souvent l’art martial qu’il pratique pour me faire mal…les coups laissent peu souvent de traces aux zones visibles… Les rapports intimes sont souvent forcés par intimidation, chantage, violence psychologique et parfois physique.
Je fais tout pour être tampon et protéger mes enfants. Je deviens son défouloir .
Dans ce chaos une troisième grossesse survient. Il n’en veut pas et veut que je l’interrompt. Malgré ses menaces je choisis de préserver cette vie innocente qui n’a rien demandé mais qui est bien présente dans mon ventre.
Les violences physiques ne cessent pas pour autant. Il se montre aussi parfois violent au cours des rapport sexuels qu’il m‘imposent.
Malgré tout cela je tente de montrer mon amour à ce petit être qui grandit en moi.
Je lui parle , le rassure quand je pleure et lui répète que quoi qu’il arrive je l’aime et suis heureuse de sa présence en moi.
Tout s’effondre le 27 Décembre, je suis enceinte depuis 3 mois et demi et je vois du rouge dans les toilettes. Je suis seule, son père est avec une de ses copines avec qui il me trompe. Je comprends très vite ce qui se passe mais tant qu’il n’y a pas eu l’échographie je garde espoir. Me voici aux urgences , la sonde est posée et étant du milieu je comprends rapidement qu’il n’y a plus d’espoir.
Le temps semble s’être arrêter. Les mots ne suffisent pas à décrire la douleur, le déchirement , les regrets, l’injustice…
Pourtant il faut continuer , ne pas se relâcher maintenir la vigilance et continuer de donner de l’amour aux deux autres.. Les jours passent , la douleur ne diminue pas mais une force nouvelle grandit progressivement. Je ne supporte plus les humiliations avec ses autres relations , la violence.. et je décide de parler, dénoncer, demander de l’aide.. Mon bébé ne doit pas être parti en vain !…
Avec l’amour de ceux qui me soutiennent et après une lutte éprouvante j’ai pu rompre définitivement avec le père de mes enfants, le mettre à distance et nous mettre à l’abri.
Certains ont voulu me rassurer en me disant que « c’est peut être mieux ainsi.. ça aurait été encore plus dur si ton enfant était né dans ces conditions terribles »..
Non ! Je crois sincèrement que mon bébé méritait de vivre et de grandir avec son frère et sa sœur mais il en a été autrement…Je l’accepte.. C’est un des mystère de la vie.. Son existence même courte a été une bénédiction pour moi et m’a sauvé.. Elle m’a donné le courage et la force de dire STOP , de casser la serrure et de sortir de cette cage de torture.
Aujourd’hui ma reconstruction est longue, parfois douloureuse mais pleine d’espérance avec la vie de mon petit Ange a jamais dans mon cœur.

