Je m’appelle Jade Yoldi, je suis kinésithérapeute spécialisée en périnatalité et voici une histoire qui m’a marqué. Depuis mon approche envers les futures mamans et futures parents à quelque peu changé. 

Ce témoignage fait partie de l’histoire que j’ai vécu en accompagnant une maman (Jasmine – prénom modifié) pendant sa 3ème grossesse dans le but de la prendre en charge pour des douleurs rachidiennes (dos). C’est une patiente que je voyais en binôme avec une ostéopathe spécialisée en périnatalité. 

Je guide cette patiente depuis 3 ans maintenant et après avoir eu une grossesse arrêtée très précocement quelque temps avant; elle m’annonce en mars 2020 qu’elle est à nouveau enceinte d’un mois. Le terme était prévu pour janvier 2021 mais a priori elle devait accoucher quelques semaines plus tôt ( vers 36 semaines de grossesse). 


Je réalise ma prise en charge de manière régulière à raison de 2-3 fois par semaine, nous nous voyons car elle a une scoliose dont les contraintes pendant la grossesse sont insupportables : on y travaille la respiration, la détente musculaire, les mouvements doux, j’y associe des asanas de yoga et de pilates.


Sa grossesse se déroule bien, le ventre s’arrondit de jour en jour et je reçois Jasmine une dernière fois, un 28 décembre si je me souviens bien c’était un mercredi. Lors de cette dernière séance, elle me dit, « ah je sens qu’elle appuie bien sur mon col; de toute façon le gynéco m’avait dit que si le 31 ( lors du contrôle – je n’avais pas encore accouché, qu’il me déclencherait) » .

Je la soulage comme je peux, les derniers mots de motivation et de courage sont donnés : nous serons prêts à accueillir la petite Naïa. 


Le vendredi soir, Jasmine m’annonce qu’elle a perdu le bouchon muqueux mais rien de plus; la sage femme a essayé de la déclencher mais rien. Elle est chez elle. Le lundi, ma patiente me dit qu’elle présente des douleurs au niveau du diaphragme et que cela fait atrocement mal : je lui dis sans plus tarder de se rendre à la MFME. ( c’est une patiente qui a un seuil de tolérance à la douleur élevée et qui repousse au maximum)donc j’insiste. 


Quelque jours plus tard, pas de nouvelles, je n’ose pas demander comment ça va : j’ai comme un pressentiment; mais je reste positive – elle était quasiment à terme, ça ira…


Vers le 05 janvier je prends mon courage à deux mains et je lui demande comment elle se porte ? Et là tout s’écroule : « Naïa est morte » , se sont ses mots , qui résonnent dans ma tête pendant de nombreuses semaines. Plusieurs patients voyaient Jasmine venir en séance, souvent seule, ( son compagnon travaille) ou avec ses 2 autres enfants). 


J’ai eu la lourde tâche, de l’annoncer à mes collègues et à quelques patients les plus proches ( car au cabinet nous sommes comme une grande famille). J’ai été une bonne semaine dans le déni. J’en parlais tous les soirs à mon compagnon: à ressasser les moments joyeux où je me disais que j’allais faire connaissance avec cette petite, ou la maman était contente d’acheter des vêtements pour fille ( ayant déjà 2 garçons). 


Le plus dur pour moi ça a été l’après : prendre mon courage pour l’appeler à sa sortie, pour lui dire que je suis là si elle a besoin d’une oreille. Le premier appel entre nous après ce drame, a été le plus douloureux appel que j’ai eu à passer, les minutes interminables, comment meubler le silence, quoi dire ?, faire attention aux mots employés et merde je me rends compte que l’on est pas formé au deuil périnatal ! 


Elle a été suivi par une équipe de psychiatre – psychologue au sein de la MFME, et ses enfants également. Le père lui s’était exclus du processus, il a mal digérer cette perte. 


Je fais comme je peux au mieux, puis elle reprend ses séances 1 mois et demi après. 


La 1ère séance : archi bizarre. J’ai l’air plus chamboulée que la maman – qui est d’une sagesse d’esprit et d’un calme déconcertant. Puis les semaines passent, les sourires reviennent, j’accompagne la maman comme je peux. On parle de Naïa et d’une éventuelle grossesse qui fera qu’elle sera grande sœur à son tour bientôt. Ce qui fut le cas : la voilà grande sœur, d’une autre sœur qui est née en Décembre 2021. 

écrit par Jade Yoldi

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